Le formidable tableau de Domenico Remps, Scarabattolo (Trompe-l’œil), revient en France (je l’y avais invité une première fois en 1996 dans la Galerie Mazarine de la Bibliothèque nationale de France- BNF, voir plus bas). Et cette fois nanti d’une identité qu’il ne possédait pas à l’époque : commandé en janvier 1689 pour célébrer les noces du prince Ferdinand de Medicis et de Violante-Béatrice de Bavière (la lettre cachetée est celle du commanditaire, Francesco Cosimo Riccardi).
Un mot en passant, il faut très souvent rechercher l’identité, savamment voilée, du donateur dans les cadeaux de mariage princiers. Je renvoie aux Heures Sforza-Aragon écrites par le plus grand calligraphe de la Renaissance italienne, Bartolomeo Sanvito et enluminées par Gaspare Da Padova, l’élève de Mantegna, vers 1483 pour le mariage de Gian Galeazzo Sforza et Isabelle d’Aragon, que j’ai vendues lors de la vente Maurice Burrus du 17 octobre 2017. Si les armes des jeunes époux semblent l’unique signe d’appartenance de ce magnifique manuscrit, il s’agit en fait, comme l’a remarqué l’oeil perçant de Laura Nuvoloni, d’une commande de la puissante famille romaine des Orsini : en témoignent de petites armes microscopiques et presqu’impossibles à voir, peintes sur une bannière bleue au centre de la partie inférieure de l’arc.
Après un quart de siècle, Domenico Remps revient donc en France, à Landerneau où le Fonds Hélène et Édouard Leclerc (FHEL) propose pour quelques jours encore (jusqu’au 3 novembre, courez-y-vite si la SNCF vous le permet) une formidable exposition sur les cabinets de curiosités, la première en France depuis celle que, conservatrice à la Réserve des Livres rares de la BNF, j’avais organisée à la Bibliothèque nationale en 1996.
La nouveauté formidable de cette exposition est que son commissaire, Laurent Le Bon (par ailleurs directeur du Musée Picasso…) a eu l’idée de génie de confier à des galeristes et collectionneurs d’aujourd’hui (Antoine de Galbert, la famille Hermès), à des créateurs (Miquel Barcelo, Andreas Gursky, Jean Jacques Lebel), et à des spécialistes de haut-vol (la Galerie Kugel et son éblouissante présentation d’automates voisinant avec des objets provenant de la Galleria degli Argenti des Grand-ducs de Toscane à Florence) la responsabilité d’un cabinet conforme à leurs goûts. Le tout réparti, comme autant de carrés des simples, dans un gigantesque jardin qu’est cet espace de 1000m2. Et complété par des cabinets issus du choix des organisateurs et de leur collaboration avec des institutions pour certaines attendues (le Museum d’Histoire naturelle, le MUCEM avec un hommage bienvenu et une reconstitution de l’œuvre de Georges-Henri Rivière aux Arts et Traditions Populaires- ATP), pour d’autres plus secrètes (le Musée de la Chasse, le Musée d’anatomie de Montpellier ou le Musée Le Secq des Tournelles à Rouen ).
Le discours historique et scientifique sur les Kunstkammer, qui s’est formidablement développé dans les années 1990 depuis le colloque majeur d’Oxford (j’y reviens dans un prochain blog) a tendance à gommer leurs différences, à réduire ces cabinets de curiosité à des avatars variant seulement légèrement dans la formule magique et le dosage des naturalia, artificialia, exotica, etc qui les composent. La démonstration de l’exposition bretonne est que la personnalité et le désir du collectionneur font tout, et que la curiosité de chacun est irréductible.
Pourquoi il est urgent de courir à Landerneau ? Parce que, comme le souligne Laurent Le Bon dans le dialogue avec Édouard Leclerc qui ouvre le livre, le pivot essentiel du projet est la question du « regardeur : Est-ce qu’on regarde un objet scientifique ou un objet artistique ? un objet naturel ou un objet artificiel ? On regarde surtout quelque chose qui nous émerveille. Notre métier consiste à montrer ces objets dans leur force originale ».
Et même s’il existe un catalogue très riche et fort bien illustré de l’exposition, cette exposition demande avant tout à être regardée, vue (et revue). Mais c’est urgent (fermeture le 3 novembre…) !
Tableau de Remps : avec l’autorisation du ministère des Biens et Activités Culturelles. Muséo dell’Opificio delle Pietre Dure
Les cookies nécessaires au site sont absolument nécessaires à son fonctionnement. Cette catégorie inclut les cookies qui assurent les fonctionnalités basiques du site ainsi que sa sécurité. Ces cookies ne stockent aucune information personnelle.
Certains cookies ne sont pas absolument indispensables à notre site internet pour assurer son fonctionnement, mais ils permettent l'amélioration de l'expérience utilisateur. Ils peuvent stocker des données personnelles. Nous ne collectons aucune donnée à des fins publicitaires ou marketing. Il est obligatoire d'obtenir le consentement de l'utilisateur avant d'exécuter ces cookies sur votre navigateur.